DJ Cut Killer fait les choses. Depuis plus de quinze ans, il est le DJ le plus emblématique du hip hop français, à la fois ici mais aussi à l’international, où il est le seul DJ Français (franco-marocain, pour être précis) a s’être fait un nom assez lumineux pour être estimé comme un pair par les plus grands DJ’s américains.
C’est d’ailleurs avec eux qu’il a appris le métier, comme l’ont fait avant lui les DJ Clue, Funkmaster Flex et consorts : en portant les caisses de vinyles, en observant comment on manie une foule avec deux bras de MKII, et apprenant à écouter les disques et comprendre la force d’un beat, d’un hook, d’une intro, d’un break...
Avant, Cut Killer était un jeune parisien qui aimait la musique. Principalement la batterie, que ce soit dans les disques de James Brown ou de Genesis, il y avait toujours quelque chose à prendre : le sens du beat.
Le futur DJ est adolescent quand le rap débarque en France : sur les ondes de Radio 7, puis de Radio Nova. Les passeurs se nomment DJ Dee Nasty ou Sidney. Bientôt, les soirées parisiennes n’ont plus rien à envier aux block parties du Bronx, et justement Cut Killer habite à deux pas du Globo où ont lieu les soirées « Chez Roger boite Funk » : une cave sur les boulevards où le vendredi soir, tout ce qui va faire bientôt la gloire du rap hexagonal (NTM, Mode 2, Assassin…) danse jusqu’à l’aube avec Public Enemy, Biz Markie ou, un soir, DJ Cash Money. Cette figure tutélaire du dee-jaying Américain met l’étincelle dans l’âme de Cut Killer. Il sera DJ.
Le temps de se casser le dos comme manutentionnaire tout en continuant ses études pour se payer les platines, il devient un activiste forcené du mouvement parisien naissant. Il intègre IZB, la première association qui promeut le hip-hop et organise des concerts, il pose des scratches en 1991 sur l’album d’Original MC, que tout le monde, même lui, a oublié, mais il franchit vite les étapes : son propre rôle, inoubliable, dans une séquence du film culte La Haine, DJ pour les live de MC Solaar, scratcheur sur l’album solo d’Akhenaton, d’IAM, et un show radio sur Radio Nova, comme ses modèles Red Alert ou Bobbito Garcia à New York.
Au milieu des années 90, Cut Killer est déjà un DJ respecté et actif qui compte assez pour que son simple nom sur une pochette suffise à susciter l’intérêt, puis le succès de sa nouvelle entreprise. Il a l’idée d’adapter à la France le concept qui a consolidé le hip hop new-yorkais, celui des mix-tapes. Il mixe les dernières nouveautés, intercalées avec les freestyles des valeurs montantes du rap français, et vend le tout sur des cassettes qui servent dès lors de bible pour les aficionados. A New York, Kid Capri, DJ Clue, Ron G se sont fait une réputation avec ce principe, à Paris, c’est Cut Killer qui en devient le patron : ses mix dynamiques, sa débrouillardise pour mettre la main sur les meilleurs maxis avant tout le monde, et son flair à dénicher les rappeurs d’ici rendent ses mix-tapes incontournables. Tout le gratin de la deuxième génération du rap français est passé par là : Sages Poètes de la Rue, Lunatic, 113 et tant d’autres…
L’étape suivante sera de mettre sur CD ce concept de mix agrémenté d’originaux. La série des “Hip Hop Soul Party”, des doubles CD’s mixés, démarre en 1996 chez MCA. Dès le deuxième volume apparaissent des inédits, avec Fabe, Busta Flex entre autres, tandis qu’un CD est consacré au hip-hop, le second au r&b. Le volume trois, lui, se partage entre un CD hip-hop international et autre consacré au hip-hop français. Toujours faire les choses : Cut Killer sent que le moment est venu de concrétiser l’idée qu’il avait eu avec East, son collègue rappeur tragiquement disparu : fonder un label qui s’appellerait Double H (pour Hip Hop). D’abord association de DJ’s, puis société de merchandising et enfin label de production, le HH est devenu en quelques années l’un des labels indépendants les plus performants du marché. En passant de Universal, à Small (Sony), le projet des “Hip Hop Soup Party” devient le “Cut Killer Show” pour un premier double CD en 1997 (avec une outro de Jamel Debbouze) suivi en 1998 de “Opération Freestyle”, un disque tout entier consacré à l’underground hexagonal. Cut Killer et de ses associés produisent en 1999 : l’album R&B 2000, et l’album collectif Double H DJ Crew, mais aussi des artistes aussi respectés que Fabe, Doudou Masta ou le 113, auteurs avec “Les Princes De La Ville” d’un album certifié platine et deux fois triomphateurs aux Victoires de la Musique 2000. L’empire Double H se développe encore avec un team de street marketing, une ligne de vêtement HH Wear, une société d’édition, Eastory Editions, suivie d’un autre label de production et d’édition, Eastory Production. En parallèle, Cut Killer se fait booker par l’agence Chaos Prod, crée par Chakri, son frère.
Désormais, Cut Killer règne en maître sur le marché alors en pleine ascension de la musique urbaine. Les séries Hip Hop Soul Party et Cut Killer Show se suivent en tête des charts et la collection de disque d’or et de platine s’agrandit. Il délègue le r&b à son complice de longue date DJ Abdel, la West Coast au spécialiste DJ Cream, puis se frotte au dancehall avec Ragga Killa Show, avant de revenir au son français avec 1 Son 2 Rue. Au fil des ans, Cut Killer a réalisé ou produit une vingtaine d’albums mixés qui ont tous rencontré leur public.
Fanatique de cinéma, Cut Killer ne pouvait pas rester sans faire aussi les choses de ce côté-là de l’entertainment. Depuis La Haine, où son mix à la fenêtre de la cité envoyait Edith Piaf et NTM sur le beat de KRS One avait imprimé sa légende, il lui tarde de revenir exercer ses talents sur grand écran. Il signe donc plusieurs titres sur les B.O. de Gamer de Zak Fishman, de The Dancer de Fred Garson produit par Luc Besson, puis sur Un Ange de Miguel Courtois. Il signe la totalité du score de La Squale de Fabrice Genstal avec Herve Rakoto et Sofiane Le Cat's, puis place des morceaux régulièrement sur les films qui font l’actualité : Les Frères Pétard, Le Raid de Djamel Bensallah, Trois Zéro de Fabien Onteniente, Peau D’Ange de Vincent Perez…
Après avoir tout essayé (et réussi), Cut Killer se recentre au milieu de la décennie vers les fondamentaux : le dee-jaying. A la radio, après avoir sévit quatre ans sur Radio Nova, il intègre Skyrock, où il reste aujourd’hui le dernier rempart du vrai hip hop, avec un show hebdomadaire qu’il présente par le biais des ondes (ou du podcast) le nerf de l’évolution du hip-hop mondial, dont il est toujours un passeur hors pair. Sa notoriété ayant dépassé depuis longtemps les frontières, il est le seul DJ Français à être booké aux USA par le biais de deux collectifs prestigieux qu’il a intégré, le DJ Big Dawg Pitbulls de Funkmaster Flex, et le Shadyville DJ’s de 50 Cent.
La technique a évoluée, les vinyles sont remplacés par des fichiers stockés sur des MacBooks, mais l’art reste le même : manier les platines, s’assurer de mettre la main sur les meilleures nouveautés en temps réel, et faire monter l’extase des danseurs jusqu’au climax. C’est ce que fait Cut Killer, avec une versatilité sans pareille (il mixe urbain, puisque c’est sa fondation, mais il peut à l’occasion jouer electro, rock, pop, reggae…), dans tous les clubs de la planète. Chine, Europe, USA, Australie, il parcourt le monde pour apporter aux clubbeurs leur ration de bonnes vibes. Cut Killer est à l’aise partout, parce que sa maîtrise dompte les barrières de langues et de géographie. Il peut mixer pour de purs aficionados du hip-hop pur et dur dans un club Suisse, puis jouer devant des foules énormes qui découvrent cette culture en Extrême Orient.
Il est le DJ incontournable des événements people, comme les soirées du Festival de Cannes, les fêtes de mariage de ses amis Tony Parker et Eva Longoria, ou Luc Besson. Mais il est aussi celui qui visite les clubs de France (et d’Europe) pour le show Shake Ton Booty, filmé par MTV, une soirée mobile, avec Cut aux platines, et quelques invités artistes pour des soirées enflammées qui font de l’émission l’un des plus gros succès de la chaîne musicale.